[JM B] Informatique et société - N° 32 - 12 mars 2012

Sommaire

  1. Pourquoi une publication si irrégulière de Iets ?

  2. Accès illégaux aux fichiers de police

  3. Carte nationale d'identité électronique

Le « fichier des gens honnêtes »

Tous identifiés

Deux puces, l'une régalienne, l'autre commerciale

Pour en savoir plus

  1. La « politique de confidentialité » de Google

  2. Construisons un web des savoirs

  3. Toutes les rues...

  4. Écouter, voir



1 Pourquoi une publication si irrégulière de Iets ?

Alors que la lettre [alerte] parait régulièrement, le rythme de cette lettre « Informatique et société » devient extrêmement aléatoire.

Deux raisons à cela :

- De la neutralité de l'internet à acta, du fichage d’État généralisé au traçage par les réseaux sociaux et les sites commerciaux, des conséquences sans cesse plus étendues des usages des outils numérique sur la vie individuelle, professionnelle, sociale au développement spectaculaire des technologies, la totalité du champ désigné par « Informatique et société » ne peut être couverte dans une telle lettre. Sans doute faut-il limiter, focaliser. Ainsi, l'un des groupes dans lesquels je travaille a-t-il décidé de centrer sa réflexion sur la carte d'identité informatisée d'une part et le fichier des empreintes génétiques d'autre part. Sujets significatifs de l’extension d'un fichage biométrique généralisé. Pourquoi ces deux sujets ? Et pourquoi pas ? Qui trop embrasse...

- La liste des personnes à qui j'envoie la lettre comporte à la fois des spécialistes « calés », militants d'associations nationales ou penseurs familiers de ces questions, et d'autres amis moins informés, à qui je tente de donner une information de ce qui se passe au jour le jour. Au fil du temps, je m'aperçois qu'il est difficile, ou impossible, de viser plusieurs publics, que, au demeurant, je ne connais pas bien, puisque les inscriptions sur la liste se font à la demande et ne sont pas filtrées. Il faudra sans doute choisir, mieux savoir à qui je m'adresse.

En tout cas, pour aujourd'hui, quelques réactions à des informations parues dans la presse, sur des accès non autorisés aux fichiers de police, sur la carte d'identité informatisée et sur la nouvelle politique de « confidentialité de Google. Où l'on verra que l'adage de la « sagesse populaire » « je n'ai rien à me reprocher donc je n'ai pas peur d'être fiché » ne va pas de soi.

Ces petits articles ont nécessité le dépouillement de nombreuses sources d'information, merci de me signaler si j'ai fait des erreurs.

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2 Accès illégaux aux fichiers de police

* Le Monde, rubrique justice (je n'ai pas noté la date, mars 2012).

« EuroDisney aurait enquêté illégalement sur des candidats à l'embauche. Le groupe Eurodisney et trois ex-gendarmes dont deux retraités, reconvertis en « privés » ont été récemment renvoyés devant le tribunal correctionnel de Meaux pour avoir enquêté illégalement sur des candidats à l'embauche. Ils sont accusés de s'être procuré de façon illégale des informations issues des fichiers de police et de gendarmerie. [...] le groupe aurait eu accès aux antécédents judiciaires de plusieurs milliers de candidats, tant sur le plan des infractions aux mœurs que des infractions financières ».

* Toute la presse, début mars 2012 : la société Ikea a eu accès illégalement au fichier de police Stic et à d'autres fichiers nationaux pour se procurer des renseignements sur des employés et sur certains de ses clients. Selon Le Canard enchaîné, Ikea aurait payé une agence « d'intelligence économique » pour se procurer illégalement des renseignements provenant de Stic et d'autres fichiers : carte grise du véhicule, casier judiciaire. On recherchait entre autres les risques « d'activisme syndical »et les risques « d'écoterrorisme ». (J'apprends du même coup qu'il existe des fichiers grâce auxquels on peut évaluer le risque d'activisme syndical, ce qui est totalement illégal.) Ikea n'a pas démenti et a pris, pour tenter de sauver la situation, des mesures contre quelques uns de ses cadres. Un syndicat a porté plainte, on en saura peut-être plus dans vingt ans lorsque l'enquête de justice aura progressé...

On a déjà fréquemment parlé dans cette lettre du fichier Stic. On trouvera ci-dessous des extraits d'un article (19 mars 2011) de Évelyne Sire-Marin, magistrate, membre de la ligue des droits de l'homme et membre de la fondation Copernic, extraits publiés dans la lettre Iets N° 29 du 26 avril 2011, suite à l'adoption par le parlement de la loi dite « Loppsi2 » :

« Il existe déjà à ce jour 59 fichiers de police. La loi Loppsi 2 prévoit d'étendre l'utilisation de ces fichiers informatiques pour lutter contre la petite délinquance.

Les nouveaux articles 230-6 et 230-7 du Code pénal recodifient et adaptent les dispositions relatives à l’alimentation du Stic (Système de traitement des infractions constatées) et du Judex. Il s'agit des fichiers dits « d’antécédents » de la police nationale et de la gendarmerie.

Le fichage concernera désormais toute personne citée dans "des enquêtes ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit, ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant

a) un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques

b) une atteinte aux personnes, aux biens ou à l'autorité de l’État.

Avec un telle liste, on ne voit pas bien à quoi le fichier Stic pourrait ne pas s'appliquer !

Le Stic et le Judex sont renseignés par les policiers au cours des placements en garde à vue, lors des enquêtes préliminaires et des instructions. Pratiquement toutes les infractions y figureront désormais, y compris les infractions financières qui en étaient jusqu'ici exclues.

Les mineurs peuvent y figurer sans aucune limitation d'âge.

Lorsqu'une infraction sera classée sans suite, ou qu'un juge d'instruction prononcera un non lieu, l'infraction sera toujours mentionnée au Stic ou au Judex. Pour les décisions de non-lieu et de classement sans suite (pour cause de charges insuffisantes), il est prévu que ces dernières ne conduiront pas à l’effacement des données de l’intéressé (sauf décision contraire du Procureur de la République), mais à une simple « mention », alors qu’elles signifient une absence ou un manque de charges concernant le prétendu mis en cause.

Autrement dit, on considère comme antécédent justifiant le fichage une procédure qui s’est révélée vaine.

Le texte est en outre totalement silencieux s’agissant des autres motifs de classement sans suite, en particulier celui tenant à l’absence d’infraction. Par conséquent, en cas de classement pour absence totale d’infraction, la personne sera toujours enregistrée comme mise en cause...

Par ailleurs, le Procureur de la République pourra toujours refuser l'effacement du Stic, même si la personne est relaxée ou acquittée, "pour des raisons liées à la finalité du fichier", motif vague et incontrôlable. Il devra répondre, dans le délai d'un mois, aux demandes d'effacement des données. La encore, on se demande comment feront les parquets totalement débordés par leurs multiples tâches.

Il doit être rappelé que, selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), le seul Stic recensait en 2010 plus de 6 millions de personnes mises en cause.

Pour être très simpliste : le fichier Stic contient tout et n'importe quoi. En outre, ce qui n'est pas dit dans l'extrait ci-dessus il comporte aussi les noms des personnes associées aux faits : victimes, témoins, etc, avec tous les risques de confusion que cela suppose.

La Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés a enquêté en 2007 2008 sur le fichier Stic, et constaté que 80% des fiches comportent des informations erronées. 80% de six millions : 4 800 000 fiches sont erronées. Peut-être la vôtre ?

Ces faits sont déjà gravissimes. En effet l'inscription au Stic peut entrainer des interdictions professionnelles, comme l'interdiction d'exercer des fonctions de surveillance et de gardiennage. On peut ainsi être fiché entièrement à tort et se voir refuser un emploi.

Mais, plus grave encore, le fichier Stic est une véritable passoire. Cela devrait faire réfléchir tous ceux qui pensent « je n'ai rien à me reprocher... ».

Les agences de renseignement (anciens « détectives privés ») fleurissent, sous le nom « d'agence d'intelligence économique ». (Intelligence au sens anglais de espionnage.) Il est bien loin le temps des filatures pour adultère. Il s'agit le plus souvent de renseigner les entreprises sur la politique et les secrets commerciaux de leurs concurrents, et aussi sur leur propre personnel. Illégal, certes, mais bien humain... Les dirigeants de ces agences sont souvent des policiers à la retraite, ils ont gardé toutes leurs relations parmi leurs collègues. Qui, surtout s'il y a une rémunération à la clé, refuserait d'aider un copain retraité ? Les affaires où sont mis en cause des fonctionnaires pour diffusion illégale de données provenant de Stic sont nombreuses. En 2008, le commandant Pichon avait volontairement diffusé des données Stic sur J. Halliday et J. Debbouze, pour prouver que Stic était une passoire. Que croyez-vous qu'il arriva ? C'est le commandant Pichon qui a été mis en examen.

Selon l'émission « Service public » sur France Inter le 12 3 2012, ces faits sont anciens, la loi a été modifiée, et les accès « pirates » à Stic ne sont plus possibles. Je ne sais à quel texte cette émission, sérieuse, faisait référence.

Le nombre de fichiers d’État augmente dans cesse. La création de ces fichiers n'est pas soumise à une décision du parlement. Et, malgré tous les arguments avancés sur la nécessité de ces fichiers et les précautions prises pour y accéder, on voit bien qu'il y a toujours un risque énorme à rassembler ainsi des quantités de données plus ou moins fiables sur chacun de nous.

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3 Carte nationale d'identité électronique

Ce sujet a été souvent abordé dans la présente lettre. Mais voici, une étape déterminante est franchie : après de nombreux atermoiements, après des navettes parlementaires résultant de divergences entre le Sénat et l'Assemblée Nationale, cette dernière, qui a le dernier mot, a définitivement adopté le 6 mars 2012 le texte portant sur la protection de l'identité, et qui a en réalité pour conséquence un fichage biométrique massif de l'ensemble des français.

Bon, encore un petit espoir, des parlementaires de gauche ont déposé un recours au conseil constitutionnel.

Le « fichier des gens honnêtes »

Ce vote a suscité de très nombreuses réactions critiques, et des réserves de la Cnil. Mais hélas, les avis de la Cnil ne sont que consultatifs.

Citons pour exemple l'article paru sur le site du Cecil, Centre d’Études pour la Citoyenneté, l'Informatisation et les Libertés.

« La France sera-t-elle le premier et seul pays au monde à autoriser le fichage et la reconnaissance faciale de toute sa population ?

Le dernier acte se joue bientôt, alors bienvenue dans un monde (meilleur) où vous ne serez plus jamais un(e) inconnu(e) et où n’importe quel représentant des forces de l’ordre va pouvoir vous appeler par votre nom sans avoir à vous le demander. »

Rappelons quelques faits : la nouvelle loi a pour prétexte de préserver chacun des usurpations d'identité. En fait ces usurpations existent, mais ne sont pas très fréquentes. 200 000 par an ? Provenant sans doute pour certaines de piratages sur internet ? Il semble bien en tout cas que la source essentielle d'usurpation d'identité soit le fait de se procurer illégalement les documents d'état civil d'une personne, méthode que la carte d'identité informatisée ne permet pas d'éviter.

Le but est en réalité de constituer un immense fichier national comportant, outre les renseignements habituels d'état civil, l'adresse, la taille, la couleur des yeux, et surtout la photographie numérisée du visage et huit empreintes digitales.

Ce fichier concerne la carte nationale d'identité, qui pour l'instant n'est pas obligatoire. Mais, vu les énormes « avantages » de ce fichier, le gouvernement pourra sans aucune protestation de l'opinion publique rendre ce document obligatoire, et ficher ainsi toute la population. Il y a des précédents : voir l'extension massive du fichier des empreintes génétiques, qui, pour faire passer les choses, avait été constitué initialement pour ficher les violeurs. Il concerne maintenant une liste impressionnante de crimes et délits et comportait 1,79 million de personnes en 2011.

On comprend d'emblée les risques d'un tel fichier, centralisé, et, tout comme pour Stic, impossible à sécuriser entièrement. Que fera un état totalitaire d'un tel fichier ? On imagine la joie de la Gestapo ayant accès aux noms, visages, empreintes digitales et adresses de tout un chacun. Et puis, on l'a vu pour Stic, les risques d'utilisation non autorisée sont considérables et inévitables. Le droit à la vie privée de tout un chacun, de fait, n'existera plus, toute institution un peu puissante ou ayant les relations nécessaires pourra acheter les renseignements vous concernant. Non non, ce n'est pas un fantasme, voyez le Stic.

Tous identifiés

La création de cette carte d'identité numérique était déjà grave, très grave. Et voici que le gouvernement et l'assemblée nationale viennent de l'aggraver encore, pour le transformer en outil de traque dont nul ne pourra se protéger.

Initialement, le système prévu permettait d'authentifier l'identité d'une personne, en contrôlant sa carte d'identité.

Mais le gouvernement et certains députés de droite ont décidé d'étendre encore les possibilités de cet outil, en lui donnant des fonctions d'identification. En clair : on se procure une photo de votre visage (par exemple avec les caméras de vidéo surveillance), on interroge le fichier qui contient votre photo numérisée, et, à partir de votre photo, le système donne votre nom et tous les renseignements vous concernant. C'est la fonction d'identification. Les sénateurs ont vainement essayé de « débrayer » cette fonction. Le gouvernement a refusé en disant qu'il serait dommage de se priver d'un tel outil pour traquer les criminels. Ben voyons !

Ce que je dis dans la suite est un tout petit peu en avance sur son temps, les logiciels ne sont pas encore tout à fait capables de faire tout cela, mais on en est proche. Ce système de reconnaissance de visages a d'ailleurs déjà été mis en place sur certains réseaux sociaux.

Clairement : on vous photographie ou on vous filme, et, à votre insu, on sait qui vous êtes. Dans quelques années on pourra ainsi connaitre, sans avoir à leur demander quoi que ce soit, le nom de toutes les personnes qui marchent dans la rue, qui ont un air louche, qui ont un comportement bizarre, ou qui tout simplement marchent dans la rue.

Non, hélas, ce n'est pas de la science fiction, c'est ce qu'on décidé les députés. Tout le monde étant un criminel en puissance, il est bon de pouvoir surveiller chacun.

Dit autrement : jusqu'à maintenant avec seulement une photo de votre visage on ne pouvait vous identifier. Maintenant, avec les décisions prises par les députés, il suffira de comparer cette photo avec celle du fichier de la carte d'identité pour connaitre votre nom, votre adresse, etc.

J'ai cherché quelques exemples, mais vous en trouverez des milliers d'autres.

Vous fumez dans le hall de la gare, vous laissez votre chien salir le trottoir, vous jetez des détritus au coin d'une rue, vous faites du ski hors piste dans un endroit interdit : vous êtes photographié, identifié grâce au fichier, et, deux jours après, sans que personne ne vous ait demandé votre identité, vous recevez le PV à votre domicile. (Je sais bien, pour le ski ce sera difficile à cause des lunettes de soleil.)

Vous faites les courses au supermarché, la caméra de vidéo surveillance vous reconnait, découvre que vous n'avez pas payé la pension alimentaire de votre épouse . Vous êtes cueilli par la police à la sortie. Ou encore vous allez au cinéma et la caméra de vidéo surveillance découvre que vous n'avez pas payé vos impôts.

Bien sûr, aucun régime n'aurait l'idée d'utiliser ces techniques pour reconnaitre les manifestants opposants au régime, ou les personnes se rendant à une réunion syndicale ou politique, ou à une réunion où l'on contestera le régime en place.

On peut ensuite imaginer les milliers de possibilités qui pourraient apparaitre dans un régime du genre « Le meilleur des mondes » décrit par A. Huxley.

Vous marchez dans la rue, vous traversez au rouge, des haut-parleurs vous appellent par votre nom et vous désignent à la vindicte publique. Vous marchez dans la rue et les écrans vidéo des vitrines des magasins alertent les passants en disant que vous avez, il y a quelques années, été condamné pour pédophilie, et que les parents doivent faire attention en vous côtoyant. Vous montez dans l'autobus et les haut-parleurs signalent à tous les passagers que, il y a dix ans, vous aviez volé un pack de yaourts dans un supermarché et qu'ils doivent faire attention à leur porte-feuille. On pourra aussi, selon l'idéologie du régime en place, connaitre les noms de tous les français se rendant à l'église, à la synagogue, à la mosquée. On ne tardera d'ailleurs pas à s'apercevoir qu'il est bien dommage de limiter ce merveilleux système aux détenteurs d'une carte d'identité française, et qu'il faut d'urgence l'étendre aux étrangers.

Ces techniques de reconnaissance à la volée sont-elles techniquement possibles ? Pas encore tout à fait, mais compte tenu de l'énorme marché financier que cela représente, cela va se mettre en place par petits morceaux pour se généraliser, probablement, à moyen terme. (Cinq ans ?). C'est déjà en place sur certains réseaux sociaux.

Est-ce juridiquement possible ? Pas dans l'état actuel des lois en France, qui protègent dans une certaine mesure les données personnelles. (Exemple : interdiction de l'interconnexion des fichiers, sauf exception). Mais les lois peuvent changer. Je crains bien que actuellement les partis politiques et l'opinion publique ne soient guère intéressés par ces problèmes de protection des données personnelles. Il suffira de trouver une raison admise par l'opinion publique (« Il faut que les mauvais maris paient leur pension alimentaire »), et tout passera.

On voit mal un pouvoir politique quel qu'il soit résister à la tentation d'utiliser un si beau fichier. Normal, il faut penser à la sécurité de tous !!!

On n'aura même pas la solution de se masquer le visage, c'est interdit par la loi sur la burqa.

On voit bien ce que la Gestapo aurait pu faire de cela pour trouver les planques de nombreux résistants en filmant les gens dans la rue et en les comparant par des moyens informatiques aux photos des suspects, puis en remontant à leur identité. Comme le disaient ensemble François Mitterrand et Charles Pasqua, heureusement que, pendant l'occupation, on pouvait falsifier les papiers d'identité. C'est fini...

Deux puces, l'une régalienne, l'autre commerciale

Je n'ai pas du tout abordé dans cet article le fait que, sur la carte informatisée, il y aura deux puces, l'une régalienne pour l'identité et l'authentification, l'autre commerciale, pour les achats, les cartes de fidélité chez les commerçants, pour crypter certains échanges, etc. Ce mélange des fonctions régaliennes et des fonctions commerciales réjouit évidemment les industriels français regroupés dans le Gixel. L'industrie française est placée dans ce marché mais le Gixel regrettât jusqu'à maintenant que la France soit « en retard » sur les utilisations, ce qui les empêche de mieux vendre leurs produits.

Pour la sécurité de tous, rien n'est trop bon, même de transformer toute la population en suspects potentiels. L'adage « populaire » dit : « je ne crains pas d'être fiché, je n'ai rien à me reprocher. » Peut-être, mais d'autres se chargeront de vous reprocher quelque chose.

Pour en savoir plus

* Jean-Marc Manac'h

* Laurent Mucchielli

* Biométrie : la reconnaissance faciale rêve de se démocratiser.

Admirons l’habileté sémantique qui consiste à appeler démocratisation la généralisation d'un procédé liberticide.

* Le Monde, supplément Sciences et techno, samedi 10 mars 2012, double page : les recherches se multiplient pour automatiser la détection des comportements « déviants » et reconnaitre les individus « à la volée ».

* et les articles déjà parus à ce sujet dans la présente lettre, que l'on peut rechercher sur

le blog iets

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4 La « politique de confidentialité » de Google

Source : Le Monde, 4 mars 2012 : « Passant outre à la Cnil, Google revoit sa politique de données personnelles », Cécile Ducourtieux, et aussi d'autres sources (Libération.fr, etc.)

Synthèse de ces diverses sources.

Google revoit, le 1er mars 2012, sa politique de confidentialité des données personnelles. Cela ne s'est pas fait subrepticement, 350 millions d'utilisateurs ont été prévenus par mail. (Pas moi, mais j'ai peut-être manqué de vigilance. JM B)

Le Monde : « Jusqu'à présent, Google collectait les données personnelles de ses utilisateurs service par service : sur son moteur de recherche, sur la messagerie Gmail, sur Youtube, sur Googlemaps, sur Androïd, etc. Cela sert en principe à améliorer la qualité du service, par exemple en utilisant l'historique des mots clés tapés dans moteur de recherche pour anticiper les demandes des utilisateurs. Ou alors à vendre des publicités ciblées, comme ces annonces à droite des courriels dans Gmail, en lien avec les mots présents dans les messages.» Je ne le savais pas : Google se permet donc d'accéder au contenu des messages. JM B

Dans Libération, le 12 mars 2012, le blogueur Olivier Laurelli, alias Bleutouff, nous explique que, d'ores et déjà, Google est la première agence de renseignement non gouvernementale, et que toute les police du monde y font appel

Le Monde : « Depuis le 1er mars 2012 Google va plus loin et croise les données personnelles des utilisateurs tous services confondus. Ainsi, si un internaute tape « papillon » dans le moteur de recherche et qu'il clique sur les réponses correspondant à la natation, on lui proposera sur youtube des vidéos relatives à la natation. »

Google donne l'exemple suivant pour vanter ses nouveaux services : «On pourra vous envoyer des notifications de rappel si vous risquez d’arriver en retard à une réunion.»

Libération.fr : « Et comment le saurait-il, je vous prie ? C’est extrêmement simple : Google sait que vous avez une réunion dans le XIIIe arrondissement de Paris à 15 h 30, car vous l’avez enregistrée dans votre Google Calendar. Ils savent que vous êtes encore chez vous à 14 h 52, car le GPS de votre téléphone Android, le système d’exploitation de Google, vient de le cafter. Et il sait que les rues de Paris sont embouteillées grâce à une fonctionnalité de Google Maps. Donc il sait que vous n’avez aucune chance d’arriver à l’heure. Formidablement pratique ou terriblement angoissant, question de point de vue. »

La Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) émet de vives réserves. Au vu les informations données par Google, la Cnil pense que ce système n'est pas conforme aux règles européennes sur la protection des données personnelles. Elle constate de plus que Google pourra ainsi constituer des profils d'utilisateurs contenant de nombreux renseignements, et qui pourront être revendus.

Lire l'article

CNIL, les nouvelles règles de confidentialité Google soulèvent des inquiétudes.

Google estime que ces craintes sont injustifiées. Le but est d'améliorer les services rendus, et non de vendre des listings de profils d'utilisateurs.

Peut-on les croire [JM B] ?

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5 Construisons un web des savoirs

Serge Abiteboul est le troisième titulaire de la chaire « informatique et sciences du numérique » au Collège de France.

Un article paru dans le supplément Science et techno du journal Le Monde, daté du samedi 10 mars, présente le chercheur, et les orientations de son cours 2012-2013 au Collège de France.

« Nous devons construire un web des connaissances. On dit aussi un web sémantique. Il faut donner du sens aux documents existants sur le web, et aussi inventer des systèmes pour acquérir de nouvelles connaissances. Découvrir les connaissances enfouies dans la masse d'informations de la Toile est un grand défi. Un autre est d'arriver à faire collaborer des millions de systèmes qui bientôt échangeront et déduiront des connaissances. [...] On a beaucoup de raisons d'être pessimiste. L'industrie, aidée par les gouvernements, modifie le Web en le fermant peu à peu. Le Web est trop piloté par la propriété intellectuelle et l'argent. Or les industriels du Web devraient comprendre que les vraies valeurs sont principalement dans les internautes eux-mêmes. [...] Il faut aboutir avec le Web à la diffusion libre, ouverte à tous, de toutes les connaissances et de toute la culture du monde. »

Les cours au collège de France sont ouverts à tous, sans inscription ni condition préalable.

Cours Abiteboul

Les cours ont lieu de 10h à 11h et les séminaires de 11h à 12h les mercredis

14 mars Modèle relationnel 21 mars Au-delà du modèle relationnel 28 mars Le Web sémantique 4 avril Documents actifs et AXML 2 mai Moteur de recherche de la Toile 9 mai Datalog: La renaissance 16 mai Gestion de données distribuées 30 mai Datalog distribué et Webdamlog

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6 Toutes les rues...

Google a entrepris de photographier les rues des grandes villes, et de mettre les photos à disposition des internautes. C'est Google street view. Des camionnettes de Google sillonnent les rues, photographient, et captent même, au passage, les ondes Wi fi et autres reçues en passant devant les immeubles.

Chacun a ainsi accès à une immense base de données photographiques.

A quoi cela sert-il ? Je suppose que plusieurs d'entre vous vont me l'expliquer. A part le succès (?) que l'on se taille (!!!) en montrant la photo de sa rue aux amis venus pour diner, je ne vois d'usage que pour les armées menant la guérilla dans les villes. Il parait que c'est un grand plaisir de se promener ainsi dans les rues de New York...

En 2011 la Cnil a condamné Google pour collecte illicite de données, en particulier des données wi-fi, collecte illégalement effectuée lors des opérations de photographie.

Un tel outil présente des risques évidents d'atteinte à la vie privée. Peut-on reconnaitre les visages, les plaques des voitures ? En principe non, grâce au floutage, mais il y a des nombreuses imperfections dans le logiciel de floutage.

Quoiqu’il en soit, même en floutant le visage... Un habitant d'un hameau du Maine et Loir porte plainte contre Google, car la camionnette qui prenait les photos de sa rue l'a enregistré en train d'uriner dans son jardin. (Information non datée.) Une fois la photo mise en ligne, ce monsieur a été l'objet de la risée générale dans sa ville. Il parait que le visage était légèrement flouté mais « pas le reste ». D'accord, les gens se moquent pour pas grand chose, mais avec tout cela, où va la vie privée ?

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7 Écouter, voir

* Mon patron m'écoute, coûte que coûte. France inter, service public, 12 mars 2012.

Cette émission montre que non seulement les patrons peuvent, légalement ou non, surveiller leurs employés, mais aussi que, de nos jours, tout le monde peut espionner tout le monde.

Écouter

* Un documentaire sur la secte, la pieuvre, le monde Samsung.

Ne manquer sous aucun prétexte, mais en ayant le cœur bien accroché. L'aspect terrifiant d'un monde où l'humain disparait et où seuls le travail, la productivité et le profit sont pris en compte. Vraiment, regardez, c'est une vision hélas prémonitoire.

Samsung, le meilleur des mondes

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Fin de Iets N° 32