[JM B] informatique et société N° 14 - 19 février 2009

Sommaire du numéro 14

  1. Accélération du temps : les libertés publiques et le droit à la vie privée de plus en plus menacés
  2. Surveillance et suivi : on n'arrête pas le progrès technique
  3. Fichage généralisé : on n'arrête pas l'idéologie sécuritaire
  4. Et encore

Cette lettre "informatique et société" est également envoyée par courrier électronique, en copie cachée, à ceux qui le souhaitent.
Contact par courrier électronique : jean-michel.berard (chez) orange.fr remplacer (chez) par @


Réactions bienvenues. Diffusion libre en citant la source et la date.
La sélection, la rédaction des synthèses et les commentaires
n'engagent strictement que moi.
Vos réactions, en particulier en cas d'inexactitude dans mes propos,
sont bienvenues.


Peut-être ressentirez-vous le ton un peu désabusé de cette lettre : les méthodes de surveillance, de fichage, de répression évoluent si vite, il y a tant à faire... Lecteurs avertis, vous connaissez déjà les éléments rapportés ci-dessous. Mais lorsqu'on prend un peu le temps de regarder le paysage des libertés publiques et individuelles de plus en plus ravagé, l'inquiétude saisit. Bon, c'est vrai, cette lettre manque d'humour.

"Lorsque j'aurai éliminé toutes les personnes que je considère comme potentiellement dangereuses, je vivrai en sécurité totale, mais seul dans le désert." Signé : Big Brother et ses semblables.


Accélération du temps, les libertés publiques et le droit à la vie privée de plus en plus menacés


A lire la presse, les sites, les blogs et les nombreux messages d'information que vous m'envoyez, le vertige saisit devant l'accélération du temps. Chaque jour, à un rythme toujours croissant, de nouveaux moyens techniques apparaissent, de nouvelles décisions politiques interviennent, toujours présentés (oui, "és", cela s'accorde avec "moyens") comme une nouvelle étape vers une communication facilitée entre citoyens, une aide à la vie quotidienne et une sécurité accrue de notre société.

Hélas, très souvent ces développements techniques et sociaux constituent ou portent en germe la progression du rouleau compresseur qui a pour effet de diminuer le champ des libertés publiques, de l'intimité, de la vie privée, du jardin secret.

Droit à la vie privée, l'une des libertés fondamentales de l'être humain : jusqu'où, et pour quel bénéfice peut-on restreindre sans faire disparaitre ?

L'idéologie selon laquelle chacun est un coupable potentiel, et que donc le fichage généralisé est une bonne chose, gagne insidieusement les esprits. "S'il n'a encore rien fait, il fera un jour quelque chose, autant le ficher tout de suite."

Ce qui me préoccupe le plus est le manque total de transparence démocratique dans lequel tout cela se décide. Rares sont les cas où, comme pour la carte d'identité numérique, de réels débats ont été organisés.

La ligue des droits de l'homme recensait début janvier 2009 plus de quarante fichiers nationaux nominatifs en France, dont des fichiers de police, de gendarmerie ou de services de renseignement de plus en plus nombreux. (Voir le texte sur le présent site, page "fichiers nominatifs")

Qui, à part quelques rares spécialistes, dont je ne suis pas, a une idée précise sur tout ce qui est recensé dans ces fichiers ? Qui, a part quelques rares spécialistes, dont je ne suis pas, peut analyser correctement les procédures souvent très subreptices suivies par le gouvernement pour mettre en place ces fichiers et pour les gérer ? Qui a une idée claire sur les conséquences sur sa propre vie de l'existence de ces fichiers ?

Alors que l'opinion générale était, jusqu'à une période récente, sur la position "cela ne me gêne pas d'être fiché, je n'ai rien à me reprocher", les mobilisations sur Base élève et Edvige, les actions de Réseau Éducation sans Frontière semblent modifier un peu l'état de l'opinion.

Que faire ? Agir systématiquement pour une plus grande transparence, exercer son propre droit d'accès lorsqu'on a un doute ? Refuser autant que possible les situations où l'on est fiché ? Veiller à une mise en ligne de données personnelles la plus faible possible ? Signer les pétitions ? Soutenir les associations, encore trop rares mais très efficaces, qui se préoccupent de ces questions ? Soutenir les rares partis politiques qui se préoccupent des excès sécuritaires en la matière ?
Pour les partis politiques me vient à l'esprit le Modem de F. Bayrou. Y en a-t-il beaucoup d'autres ?
http://vigiorange.hautetfort.com/

Dans le régime totalitaire décrit dans le roman "1984" ou le film "La vie des autres", le citoyen n'avait plus de possibilité de réagir. Peut-être nous reste-t-il quelques espaces ?

retour au sommaire


Surveillance et suivi : on n'arrête pas le progrès technique



retour au sommaire

Puces RFID


Ces puces qui contiennent des données personnelles et sont lisibles à distance ont commencé à émouvoir l'opinion à propos du passe Navigo de la RATP, qui permet de suivre les déplacements de tout un chacun, nominativement, sans que cela présente pour la gestion du réseau de transport une nécessité. (Un suivi anonyme par numéro d'identification suffirait à connaitre les flux de voyageurs).

Les articles qui paraissent sur ces puces marquent certes les facilités nouvelles qu'elles vont offrir. Ainsi, une vieille aspiration de l'humanité pourra enfin être réalisée : le frigo nous préviendra lorsque les yaourts seront périmés et lorsqu'il n'y aura plus d'Actimel de Danone.

Mais les articles consacrés aux puces RFID sont surtout préoccupés par le pistage absolument général des personnes qu'elles permettront : puces que l'on porte sur son passe navigo, sa future nouvelle carte d'identité, et aussi, puisque la grande distribution a pour projet de repérer par des puces tous les articles vendus, pistage de chacun grâce à tous les objets qu'il portera sur lui.

Il est possible (cela se fait déjà) d'implanter les puces sous la peau de la personne, pour contrôler ses accès à certains locaux, ou stocker des données réputées utiles, ou même son dossier médical dans certains hôpitaux américains.

Une exigence se fait jour : la possibilité pour chacun de désactiver les puces dont il est porteur : le droit au silence des puces.

La bataille promet d'être rude. La carte d'identité à puce pourra permettre le contrôle de la personne à son insu. Il importe donc d'obtenir la possibilité de désactiver les puces. Mais la personne qui aura désactivé sa carte d'identité ne deviendra-t-elle pas suspecte par nature ? Dans une affaire récente, les soupçons contre des personnes accusées de terrorisme ont été aggravés parce que ces personnes n'avaient pas de téléphone portable, montrant ainsi leur caractère asocial.

Voir Le Monde
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/02/03/des-puces-a-priori-inoffensives-mais-a-surveiller_1150023_3244.html

retour au sommaire

Données biométriques


Les caractéristiques physiques (empreintes digitales, iris de l'œil, photographie du visage, etc.) appartiennent à l'intimité de la personne. Sous la pression des idéologies sécuritaires, nationale et internationales, l'obligation d'usage de ces données se répand, et la tendance à rassembler ces données dans des bases centralisées s'étend.

Un exemple préoccupant est celui du passeport biométrique imposé par les USA sous couvert de lutte contre le terrorisme, et également très utile aux USA pour l'espionnage économique. En fait, la nécessité d'établir une correspondance entre le document et la personne qui le porte (par la photo, les empreintes digitales) ne nécessite absolument pas la constitution de fichiers centralisés de données biométriques.

Obtenir que les données biométriques soient, au plan international, juridiquement considérées comme des données personnelles, refuser la constitution de bases de données les rassemblant. Là encore, la bataille sera rude.

Plus rude encore la bataille sur la constitution de bases de données ADN. En France, le fichage ADN ne concernait au début que les auteurs de crimes sexuels. Subrepticement, ce fichage s'est étendu aux auteurs et suspects d'un nombre considérable de délits. Actuellement, un million de personnes sont fichées au fichier des empreintes génétiques. En Angleterre, on tend vers un fichage ADN généralisé, ce qui préoccupe la chambre des lords.

La lutte contre un fichage ADN généralisé est difficile dans l'opinion : on dérive manifestement vers une société de fichage préventif, et pourtant l'ADN a permis de mettre hors de cause des innocents, de trouver des criminels en série... Face à tous les exemples positifs accumulés, et quoique foncièrement hostile au fichage ADN généralisé, j'ai quelque mal à construire une argumentation convaincante. Help...

retour au sommaire


Géolocalisation


L'appareil nomade à tout faire, parfois encore appelé téléphone portable, permet, entre autres, de considérables possibilités pour localiser géographiquement la personne qui en est porteuse.

Jusqu'à maintenant, à ma connaissance, la CNIL est très prudente, réticente, devant le suivi de personnes "dans leur intérêt" mais sans leur consentement : suivi à la trace des enfants au sortir de l'école, des personnes âgées dont on craint qu'elles ne s'égarent.

Bien sûr, Google vient de lancer un nouveau service : vous l'imaginiez, Google l'a fait, c'est google latitude.
http://www.google.fr/latitude/intro.html

Vous pouvez désormais localiser, sur votre téléphone portable, sur votre ordinateur, les déplacements des personnes qui vous ont donné leur accord. Google le jure : il n'y a aucun danger, il faut avoir donné son accord, on peut masquer le lieu où on est, pas de problème. Il est sans doute exclu (?) qu'un conjoint jaloux, un employeur suspicieux, un créancier féroce, un père ou une mère trop anxieux (oui, cela s'accorde avec père) fassent pression pour obtenir le "consentement" et suivre quelqu'un à la trace.

Et pourquoi cette manie de vouloir savoir où sont ses amis et les membres de sa famille ? Ne peut-on aussi respirer seul ?

retour au sommaire


Fichage généralisé, on n'arrête pas les progrès de l'idéologie sécuritaire


Après la forte mobilisation contre Base élève et Edvige, tout se passe comme si tout était entré dans la clandestinité, et se poursuive dans l'opacité totale.

Le ministre de l'éducation nationale a retiré de Base élève des données pourtant nécessaires au pilotage et à l'évaluation du fonctionnement du système éducatif. Il a laissé en revanche des données très inquiétantes concernant la diffusion excessive de l'identifiant en principe anonyme et la remontée hiérarchique de données nominatives. En étant un peu simpliste, il a enlevé ce qui était utile et laissé ce qui était dangereux. D'accord, c'est simpliste.

Après le "retrait" de edvige, un autre fichier au nom impossible à retenir se met en place, sans grand débat public.

Le fichier Cristina qui concerne les services de renseignement est, par définition, secret !

A titre d'exemple, un extrait d'une alerte lancée par la Ligue des droits de l'homme de Toulon :

http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article3129

"Alors que les fraudes constatées ne représentent qu’une part infime – 0,1% – du total des prestations servies par la branche famille de la Caisse nationale d’allocations familiales, la lutte contre la fraude dans le champ de la protection sociale sert de prétexte à la création de nouvelles bases de données s’appuyant sur de nouveaux répertoires nationaux.

Deux nouveaux répertoires sont en cours de réalisation : le répertoire national des bénéficiaires (RNB) de prestations versées par les caisses d’allocations familiales, et le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) qui recensera l’ensemble des bénéficiaires des prestations et avantages servis par une soixantaine d’organismes : les différentes branches de la sécurité sociale – maladie, vieillesse, famille, accidents du travail-maladies professionnelles –, les organismes de recouvrement, le Pôle emploi et les caisses assurant le service des congés payés, leur permettant de croiser leurs différents fichiers.

Un rapport rendu récemment public permet d’entrevoir l’ampleur de certaines des conséquences de cette politique. Notons tout d’abord que le choix du NIR comme identifiant unique ne manquera pas de poser de problème pour des personnes de nationalité étrangère – l’administration tenant à établir l’identité de chacun de façon incontestable.

D’autre part, le rapport affirme clairement que « l’accès de la Cnaf aux informations détenues par d’autres administrations est l’une des clés de la politique de maîtrise des risques », et il cite l’administration fiscale, la Cnam, le Pôle emploi, et le recours au contrôle du domicile des allocataires. Avouons notre surprise d’avoir constaté que les deux parlementaires rapporteurs n’évoquent à aucun moment la convention du 3 avril 2008 qui organise les échanges d’informations entre les services fiscaux et les organismes de protection sociale.

Ne se croirait-on pas revenu 35 ans en arrière, au temps de Safari ? "
Fin de l'extrait du site ldh

retour au sommaire


Et encore


Le MIT a le moyen de faire parler les objets


Je n'ai pas de place pour résumer ici. On va d'étonnement en stupéfaction.
Tout est fort bien expliqué sur

http://www.01net.com/editorial/403019/le-mit-a-le-moyen-de-faire-parler-les-objets

On voit à la fin de l'article que le MIT aura bientôt aussi les moyens de faire parler les personnes...

retour au sommaire

Pillage des données grâce aux ordinateurs mis à la casse


Signalé par l'un de vous,

http://www.lematin.ch/multimedia/high-tech/lutter-contre-pilleurs-disques-durs-sortez-masse-81103

retour au sommaire

Le twitter, une nouvelle forme de mini-réseau, de micro-bloging


http://blog.aysoon.com/twitter-presentation-du-concept-de-ses-differents-usages-et-de-quelques-applications-connexes-188

Une nouvelle forme de communication entre personnes,
probablement fort utile.

retour au sommaire
Fin de la lettre JM Bérard iets N° 14 - 19 février 2009