[JM B] Informatique et société - 13 juin 2008

Sommaire du numéro

Alerte Fichage généralisé du génome : je n'ai rien à cacher...

Alerte Pour empêcher le Diable d'attenter à nos libertés, supprimons-les nous-mêmes, c'est plus prudent

Alerte Comment dénoncer ses mauvais voisins grâce au Web ?

De l'utilité de la défense nationale pour éduquer les enfants ?

Des "vigies" de notre civilisation numérique sur France Culture

Un peu d'espoir tout de même : l'amour, toujours l'amour.

Suspense en temps réel : le gouvernement souhaite-t-il mettre en place un filtrage de l'internet ? Oui !

Si le réglage de nos messageries respectives fait que vous lisez mal ce message, prévenez-moi, je vous l'enverrai sous un autre format.
*********************
Lettre  JM Bérard "Informatique et société", rythme de parution  aléatoire
13 juin 2008
jean-michel.berard chez orange.fr remplacer chez par @

*********************

Désabonnement sur simple demande. Diffusion libre. Réactions bienvenues. La sélection, la rédaction des synthèses et les commentaires n'engagent strictement que moi. Vos réactions, en particulier en cas d'inexactitude, sont bienvenues.

"Je ne crains pas d'être fiché, je n'ai rien à me reprocher. Qui plus est, il est bien normal que l'on fiche mon voisin, qui, lui, est source d'insécurité." 

Vox populi...   Quand ils sont venus me chercher, il n'y avait plus personne pour protester.

*********************

*********************

Fichage généralisé du  génome : je n'ai rien à cacher...

Synthèse d'une double page du journal Le Monde, 7 juin 2008, signée Yves Eude, envoyé spécial dans la silicon valley. Mes commentaires en italiques.

Remarque : ce qui est vraiment difficile pour rédiger cette lettre est que j'ai beau imaginer le pire, il arrive plus vite que je ne  peux l'écrire. JM B

Pour 1 000 dollars la société californienne 23andMe décrypte le génome de ses clients et les encourage à rendre public leur code génétique. Le service est disponible en Europe, pour 45 dollars de plus, certes, mais le dollar est bas.

L'article précise qu'il suffit de cracher dans un tube en plastique et de l'envoyer à 23andMe. L'article ne précise pas du tout si des conditions de sécurité sont appliquées pour vérifier l'identité du demandeur et du cracheur, ou si l'on peut envoyer la salive de n'importe qui dont on aurait subrepticement obtenu un crachat. Les résultats sont disponibles sur internet grâce à un code "sécurisé". C'est bien de sécuriser le résultat, mais si l'on ne sécurise pas la donnée...

La société 23andMe communique à partir du crachat une quantité de renseignements, allant dans le sens d'une mécanisation de l'être humain : probabilité de développer telle maladie, prédisposition à devenir dépendant de l'alcool, prédisposition à la tendance maniaco-dépressive, prédisposition à avoir un QI supérieur à la moyenne... La section "famille" permet de déterminer à 0,01% près le degré de ressemblance entre parents et enfants, entre frères, sœurs, cousins, amis. Pour la paix des familles ?

Tout cela est pour le bien de tous, et en particulier de la recherche médicale, selon 23andMe. On peut même imaginer un système d'orientation scolaire : la génétique obligera la pédagogie à tenir compte des particularités de chaque enfant. (Si, si, je vous assure, c'est écrit, c'est ce que dit l'une des responsables de l'entreprise, en le souhaitant pour ses propres enfants.)

Un employeur dit au journaliste que pour recruter il demandera désormais ces résultats. Il ajoute que lorsque sa fille se mariera il faudra que son futur gendre soit génétiquement parfait. Brr... En plus, il ne semble pas songer à demander l'avis de sa fille.

Le plus surprenant est encore que la société 23andMe encourage ses clients à publier les résultats urbi et orbi, et que des gens le font fièrement. On se demande vraiment pourquoi, mais ça marche. La société les a pourtant, tout en les incitant à publier les résultats, mis en garde : "un jour, les données que vous divulguez pourraient servir à vous refuser un emploi ou une assurance maladie."

Pour empêcher le Diable de supprimer nos libertés, supprimons-les nous-mêmes, c'est plus prudent !

Pour protéger ses enfants, l'Angleterre ouvre le plus grand fichier du monde.
 
Extrait du numéro du 3 juin 2008 de la revue en ligne "Le café pédagogique"
 
Remarque : ce qui est vraiment difficile pour rédiger cette lettre est que j'ai beau imaginer le pire, il arrive plus vite que je ne  peux l'écrire.  JM B
 
Un Anglais adulte sur 4, soit près de 11 millions de personnes, devront s'enregistrer, contre paiement, dans le plus grand fichier nominatif du monde à partir d'octobre 2009.
Les meurtres de Soham, en 2002, ont entraîné la création de l'Independant Safeguarding Authority (ISA) chargée de surveiller l'embauche de personnes en contact avec des mineurs.
Toute personne travaillant avec des mineurs, que ce soit dans l'éducation,  le sport ou la santé par exemple, devra se faire enregistrer. L'ISA comparera les fiches avec la liste des personnes condamnées à ne plus avoir de contact avec les enfants (soit 8 000 personnes dans le pays).
 http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/education/7430954.stm Fin de l'extrait du Café pédagogique
Le site de la BBC indique que des sociétés privées participeront à cette opération.
 
En France, la CNIL demande (en étant de moins en moins suivie) que les fichiers soient adaptés à leur finalité. La remarque  du Café pédagogique (fichier de 11 millions de personnes pour 8 000 personnes visées) conduit à se demander si l'adaptation à la finalité est bien à l'œuvre ici ! 
Certes, il faut préserver les enfants contre les pédophiles, et préserver la Société contre le Diable criminel et terroriste qui complote pour la détruire.  Certes, un couple a été engagé dans un collège anglais il y a six ans et a commis un meurtre terrible alors que l'on n'avait pas vérifié son passé.
Occasion idéale pour justifier devant l'opinion publique un fichage généralisé. N'aurait-il pas suffi d'obliger les établissements recevant des enfants à soumettre leur projet d'embauche à  la liste des 8 000 avant d'embaucher ? Une fois de plus, on passe à une société de suspicion généralisée : fichons tout le monde, un jour où l'autre chacun sera bien coupable de quelque chose...
Pour l'opinion publique,  peu sensibilisée au fichage généralisé, la pédophilie et le terrorisme sont des jokers imparables, sans qu'on se demande si la méthode mise en œuvre est la plus adaptée, ni quelles conséquences globales elle aura sur les libertés publiques.
De toutes façons, dans cette logique, il n'y a pas de fin. Fourniret ne travaillait pas dans un établissement recevant des enfants, et n'aurait donc pas été fiché dans ce système. Un jour ou l'autre, on conclura donc qu'il faut ficher 4 adultes sur 4, au lieu de se limiter de façon timorée à 1 sur 4.
Mise en condition de l'opinion par la pédophilie ou le terrorisme, et puis, un peu plus tard, subrepticement, on élargit.
La France est malheureusement très en retard sur l'Angleterre pour ce qui concerne le fichage de masse, lol, mdr.
Cela dit, j'ai relevé cette information dans le Café pédagogique et ne l'ai pas vue ailleurs. C'est pourtant un événement capital.
La classe politique, toutes tendances confondues, et l'opinion publique françaises, en ce moment, se mobilisent pour le maintien du numéro du département sur les plaques des voitures.
 

Comment dénoncer ses mauvais voisins grâce au Web ?

Synthèse d'un article signé Eric Nunès, Journal Le Monde 7 juin 2008

Remarque : ce qui est vraiment difficile pour rédiger cette lettre est que j'ai beau imaginer le pire, il arrive plus vite que je ne  peux l'écrire. JM B

"Le site rottenneighbour.com propose une carte géographique sur laquelle chacun peut zoomer pour déposer à l'endroit de son chois une critique des habitants de la zone ciblée.  Il n'est pas nécessaire de s'identifier pour déposer une critique. On apprend ainsi qu'un dangereux exhibitionniste habite un immeuble explicitement désigné près de la Porte de la Chapelle, que tel immeuble boulevard St Germain est habité par trop de vieux, et que tel immeuble à Toulouse est fréquenté par des jeunes bruyants. " Fin de la synthèse

C'est évidemment dans l'intérêt de tous, puisque l'on peut ainsi avant de déménager savoir si la rumeur désigne le voisinage comme bon !  L'article du journal Le Monde ne dit pas si l'on peut se plaindre d'avoir trop de voisins juifs, ce qui éviterait bien du travail à la gestapo. En revanche, tout fier, le site annonce une nouveauté : on peut désormais savoir si ses voisins sont auteurs de délit sexuels, avoir leur nom, leur photo. Bonne chose, car, dit le site, avoir un voisin criminel sexuel peut faire baisser le prix de votre appartement. Qui sait, cela conduira peut-être le voisin, sous la pression de la milice de quartier,  à déménager vers un pays où il n'y a pas l'internet, s'il en reste.

J'ai visité le site : on peut classer les critiques en "bruit, odeur, apparence, autres relations de voisinage".

Bon, il faut  voir le coté positif, le site lutte aussi contre le réchauffement de la planète. Il ne faut tout de même pas tout critiquer.

Pour terminer, soyons honnêtes, j'ai bien vu sur la carte les immeubles repérés en rouge (le mien n'y est pas, ouf, je n'ai pas encore été dénoncé), mais je n'ai pas réussi à accéder aux renseignements  concernant les habitants. J'ai abandonné, car je n'avais pas davantage de temps à consacrer à cela. Le journaliste du Monde y est parvenu.

De l'utilité de la défense nationale pour éduquer les enfants ?

Peu après l'élection de N. Sarkozy, le secrétariat général de la défense nationale s'était inquiété de l'usage inconsidéré que faisaient la plupart des hommes politiques  et des membres des cabinets d'outils tels que le Blackberry, dont les données sont sous contrôle d'entreprises américaines et dont la confidentialité n'est nullement assurée. Le même organisme s'était inquiété de la légèreté de grands industriels français, après avoir eu la preuve que des projets de grande envergure avaient fait l'objet d'espionnage du fait du manque de rigueur des procédures de sécurité informatique.

Le SGDN a créé pour le grand public un sitehttp://www.securite-informatique.gouv.fr/ qui diffuse des alertes nationales concernant les risques informatiques en cours, la sécurité de la cryptographie, mais aussi des conseils. Ainsi la page d'accueil en ligne le 4/6/2008 comporte des conseils aux enfants, aux adolescents, aux parents, des propositions de charte familiale d'usage de l'internet, des tests de logiciels de contrôle parental, etc..

A une lecture très rapide, rien que de raisonnable dans ce qui est conseillé. Mais est-il bien raisonnable que ce soit la défense nationale, et pas la CNIL, ou les associations d'éducation populaire, ou je ne sais qui encore, qui soit chargée de diffuser de tels outils ? Peut-être plusieurs précautions valent-elles mieux qu'une ? Et puis nous avons en France une armée démocratique. Mais autant je comprends le rôle d'alerte sur les failles présentant des dangers, ou sur l'espionnage industriel, autant je suis perplexe sur les conseils aux parents, aux adolescents, etc. Pourquoi la Défense Nationale ?

Sur le même site, l'association Action Innocence, "association de lutte contre la pédophilie sur internet", (qui, à mon  petit avis, est un peu fortement engagée dans une idéologie ultra sécuritaire) pointe son nez. Elle a été chargée officiellement de réaliser une enquête sur le filtrage parental. Bizarrement, depuis deux jours, le lien vers "action innocence" à partir du site du SGDN conduit à une erreur. Heureusement, je vous donne la bonne adresse, cela vaut la visite.http://www.actioninnocence.org/france/

Des "vigies" de notre civilisation numérique sur France Culture

Extrait d'un article paru dans le journal Le Monde du 6 juin 2008

Sur France Culture, l'émission "Place de la Toile" donne carte blanche à des observateurs avisés de l'observation des réseaux.

L'émission du 6 juin peut-être téléchargée pendant une semaine et écoutée pendant un mois sur www.franceculture.com

ou http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/place_toile/index.php?emission_id=130060155 

Sommaire : la 27ème région, retour du réel dans le virtuel, identité numérique, co-éducation participative.

Prochaines émissions : 13 juin 11h, 20 juin 11h.

Un peu d'espoir tout de même : l'amour, toujours l'amour

Le 4 juin 2008, le site d'alerte secuser signale une nouvelle forme du virus "storm worm". Un message vous demande de cliquer sur un lien pour qu'une personne amoureuse de vous, qui est à votre recherche depuis longtemps, puisse enfin vous déclarer son amour. Y a-t-il vraiment des gens pour cliquer sur un tel lien ? Sans doute, puisque cela marche... Cela laisse rêveur.

Le Parisien du 4/06/2008 rapporte  un sondage Opinion Way (1 002 personnes interrogées en ligne du 7 au 9 mai, du solide), sur "l'amour en 2 055". (Pourquoi 2 055 ?) 43% des sondés estiment que l'on pourra tomber amoureux d'une personne virtuelle ; 24% des sondés estiment que l'on vivra d'abord une relation virtuelle, mais que l'amour restera réel. 62% des 18-24 ans estiment que l'on pourra être séduit par un avatar. (Mieux vaut avatar que jamais...). Rappelons qu'il s'agit d'un sondage fait en ligne, et donc sur un échantillon biaisé de la population, mais tout de même, cela laisse rêveur. Cela dit, à question n'importe quoi, réponse n'importe quoi, avec des résultats au point près. Cela fait vendre les journaux

Suspense en temps réel : le gouvernement souhaite-t-il mettre en place un filtrage de l'internet ? Oui !

La revue en ligne Le café pédagogique du 9 juin 2008 commente un article paru sur le site PCinpact. Désolé, je devrais sans doute, mais je ne connais ni PCinpact ni sa fiabilité. Pcinpact ne cite pas ses sources sur le sujet traité.

http://www.pcinpact.com/actu/news/44018-filtrage-internet-neutralite-FAI-operateurs.htm

Interrogations sur la future Charte Internet

"C'est l'introduction douce du filtrage de masse qui se dessine, un filtrage… dont les limites exactes sont floues". PCInpact publie un projet de "charte de confiance Internet" que le gouvernement tente d'imposer aux fournisseurs d'accès Internet.

Ce qui inquiète dans ce texte c'est à la fois les outils demandés et les extensions annoncées. La charte demande aux FAI de mettre en place des outils de filtrage Internet, de blocage de ports pour certains clients, de quotas d'envoi qui sont demandés pour des délinquants graves mais dont on peut craindre l'extension à bien d'autres cas. Pourquoi ? Parce que le texte lui-même évoque sans vergogne, à côté des interventions judiciaires, le cas des "demandes officielles non standard", c'est-à-dire celles des autorités, qui devront elles aussi être satisfaites promptement. La Charte autoriserait également un nettoyage des sites inactifs. " Fin de l'extrait du Café pédagogique.

Ce 9 juin 2008 je n'ai pas eu connaissance de ce projet par d'autres sources fiables et sourcées. Info, intox, ballon d'essai ? L'actualité va si vite que je vous diffuse cette information sans en connaitre vraiment la validité. Je serais heureux de vous envoyer un démenti si cette information n'était  pas confirmée.

Ce 10 juin, l'information est largement reprise par d'autres médias, mais toujours avec source l'article de PCinpact. Le gouvernement aurait l'intention de faire "adopter" ce texte aujourd'hui aux assises de l'internet. A suivre.

Toujours le 10 juin, PCinpact, tenace, a obtenu un entretien avec Isabelle Falque Perrotin, présidente du forum des droits sur l'nternet. Dans cet entretien, où la transparence de l'interviewée ne saute pas immédiatement aux yeux, on apprend que effectivement existe un projet du ministère de l'intérieur auquel le forum des droits sur internet a coopéré dans la plus grande opacité et dont la mise en œuvre semble urgente.

http://www.pcinpact.com/d-126-1-charte_confiance_FDI.htm 

En tout cas, là où il n'y a pas de surprise, c'est que l'on prend une fois de plus la pédopornogreaphie pour point d'entrée consensuel pour faire passer le reste. Annoncé à grand fracas à la radio, le filtrage des sites pédopornographiques. Selon le site du Figaro à 16 heures le 10 juin, les FAI n'ont pas été associés à ces mesures dont l'origine est le ministère de Mme Morano.

En cette fin de journée du 10 : de grands opérateurs n'ont pas été consultés, impossible de passer en force par surprise. Après une réunion qui a eu lieu ce matin au ministère de l'intérieur, la mise en place de la charte globale chère au ministre de l'intérieur serait reportée en juillet. 

A suivre, hélas.

 

Le 12 juin PCinpact, décidément incontournable, annonce qu'il s'est procuré l'avis négatif que la CNIL a donné sur la loi de prévention du piratage. Le site a tenté de se procurer officiellement cet avis, tant auprès de la CNIL que auprès du gouvernement, sans succès.