Je rédige et envoie deux
lettres. L'une est décrite en objet par "[alerte]" l'autre par "[JM B] N° x
Informatique et société".
Certains d'entre vous
reçoivent les deux, d'autres l'une ou l'autre seulement. Ceci est la lettre [JM
B] Informatique et société.
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Lettre JM Bérard "Informatique et
société", N° 5, rythme de parution aléatoire
14 juillet
2008
jean-michel.berard chez orange.fr remplacer chez par @
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Je vous ai inscrit arbitrairement sur
cette liste. Effectivement, c'est une méthode contestable. Désabonnement sur simple demande.
Diffusion libre. Réactions
bienvenues.
La sélection, la rédaction des synthèses et
les commentaires n'engagent strictement que moi.
Vos réactions, en particulier en
cas d'inexactitude, sont bienvenues.
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Je ne crains pas d'être fiché, je
n'ai rien à cacher. Qui plus est, il est bien normal que l'on fiche mon voisin,
qui, lui, est source d'insécurité.
(Là où ça commence à poser
problème, c'est lorsque j'entends mon voisin dire cela, ou, pis encore, lorsque
je ne l'entends pas le penser.)
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Sommaire du
numéro
On avance, on avance
Gratuit ? Qui paie ?
Vie privée : la fin n'en finit
pas
Projet de loi "internet et
création"
Comment va le fichage généralisé,
monsieur ? Il se généralise sûrement, monsieur, et, hélas , pas
lentement
Base élève premier degré
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On avance, on avance
Le format de cette lettre
fait que l'actualité va trop vite pour que je puisse suivre le rythme :
extension du fichage, des atteintes à la vie privée, de la surveillance de
chacun par chacun, chaque jour apporte son bouquet de nouveautés.
Le projet de loi
"création et internet" (Hadopi) pose de graves problèmes, en particulier celui
de l'accès par des tiers au contenu des messages, sous des prétextes divers (ici
la prévention du piratage) .
Cette loi pose aussi la
question de la gratuité dans notre société. Faut-il rémunérer les créateurs, les
auteurs, les éditeurs, les compositeurs selon un modèle que certains jugent
dépassé, et qui est en tout cas entièrement déstabilisé par les évolutions
techniques ? Si non, comment vivront ces créateurs et quelles seront les
nouvelles formes de création, d'échange et de rémunération ? Les contenus
chargés sur les livres électroniques tueront-ils le livre, et la littérature
? Et, tout brutalement, face au développement du "gratuit", n'est-il pas temps
de se demander "qui paie" ? Celui qui paie voudra nécessairement son retour sur
investissement. A quel prix, explicite ou implicite ? A l'époque de Bach et de
Mozart, c'était plus transparent : ils étaient les employés des grands de
l'époque, et à leur service.
Gratuit ? Qui paie
?
Synthèse et commentaires d'un article
paru dans Le Monde, 29-30 juin, signé Bertrand Legendre
La pub, l'internaute et son
cyberciblage.
Divers logiciels (Phorm, Nebad,
Fonrtporch), analysent les recherches des internautes et les réutilisent pour
des publicités ciblées. La nouveauté est que, sur Google ou autres, les liens
sponsorisés qui font apparaitre des publicités ciblées disparaissent lorsque
l'on quitte le site, alors que dans le cas de Phorm, les renseignements sont
"tapis" dans les ordinateurs du fournisseur d'accès et pistent en continu les
internautes quels que soient les sites qu'ils visitent.
Où s'arrêtera le traçage des
individus ? C'est aux individus de décider. Adeptes du "tout gratuit" refusant
de débourser un centime pour consulter un moteur de recherche, s'informer ou
même écouter de la musique, les internautes sont ambivalents. D'un coté ils
s'offusquent d'être les victimes de ces publicités virales, ils craignent pour
leur intimité. De l'autre ils s'en accommodent jusqu'à un certain point, ils
savent que sans le "tiers payant" que sont les annonceurs les services qu'ils
utilisent n'existeraient pas. [...]
Le tout gratuit est devenu le modèle
dominant. [...] La CNIL en France et l'ICO au Royaume Uni sont vigilants, mais
cette vigilance a ses limites car trois pays sur quatre n'ont aucune législation
sur la protection des données personnelles.
Google, Yahoo (sans doute
pour éviter une concurrence sauvage dans un secteur où pour l'instant ils
règnent en maitres ? JM B) souhaitent la signature d'un cadre universel
analogue à la convention de Berne (1886) qui a jeté les bases de la protection
des œuvres littéraires et artistiques. Fin de la synthèse de l'article de B.
Legendre
Vie privée : la fin n'en finit
pas
Philippe Val (Charlie Hebdo) estime
qu'une condition essentielle de la démocratie est que puisse exister pour chacun
un espace de vie privée. J'en suis intimement convaincu, et aimerais comme P.
Val ou certains d'entre vous être historien et philosophe pour étayer cette
conviction.
Quoiqu'il en soit, nous marchons de plus en plus
vers une société de "transparence" totale, un peu sur le modèle anglo-saxon, où,
si l'on a quelque chose à garder par devers soi, c'est que l'on n'est pas un
membre loyal de la communauté.
Le 2 juillet, France-Info nous apprend
que l'on peut, contre paiement, télécharger facilement des logiciels
d'espionnage des téléphones. Il suffit ensuite de pouvoir subtiliser pendant
quelques minutes le téléphone portable visé pour implanter le logiciel
d'espionnage. Ce logiciel permet de connaitre les numéros qui appellent, les
numéros appelés, et les textes des SMS. En payant plus cher, le logiciel peut
aussi permettre d'écouter toutes les conversations du téléphone, et de
l'utiliser en mode écoute de l'environnement, même hors communication.
Idéal pour avoir plus de transparence sur la vie
de son conjoint, de ses enfants, de ses proches, du collègue de travail dont on
est jaloux, du subordonné dont on veut vérifier les cadences et les contacts,
des ses concurrents politiques ou commerciaux, que sais-je encore. Il n'est pas
bien difficile de trouver des situations où l'on peut subtiliser pendant
quelques minutes le portable de ces gens là.
Cela peut même permettre aux pédophiles et aux
terroristes de pister à l'avance leurs futures victimes.
On arrive enfin à la société de transparence
totale, où l'on peut connaitre chaque seconde de la vie de chacun. On progresse
: dans Big Brother, c'était l'Etat qui espionnait, là, tout un chacun devient
Big Brother. C'est la démocratie participative ! Qui plus est, me dit-on, ce
genre de trucs se vend bien.
Réaction de quelques uns de mes interlocuteurs :
cela ne durera pas, c'est la mort du téléphone portable, donc les opérateurs
vont se donner les moyens d'empêcher ces logiciels de fonctionner.
Ce n'est pas fini. Le 5 juillet, dans sa page
high-tech (pub rédactionnelle ?), Le Monde 2 signale l'apparition sur
le marché d'un tout petit appareil qui vous permet de localiser à tout moment
"les personnes qui vous sont chères", et peut même définir des itinéraires qui
déclencheront une alarme si la personne surveillée s'en écarte. Ce n'est pas
cher, à la portée de tout un chacun. C'est pour la bonne cause, pour préserver
les enfants et les personnes âgées. Outre le fait que je ne suis pas sûr du tout
que ce soit légal en France, cela soulève en tout cas de vives réserves de la
CNIL. De plus, il n'est pas besoin d'avoir vu beaucoup de films d'espionnage
pour comprendre à quel point il sera facile de dissimuler cela sur n'importe qui
(dans la doublure d'un sac, sous le siège d'une voiture...). Hélas, je pense
qu'il faut recharger les batteries de temps en temps, mais le progrès technique
trouvera sûrement des solutions.
Si, comme le pense Philippe Val, l'existence
d'une zone de vie privée est essentielle à la démocratie, nous sommes déjà en
dehors de la démocratie. Mais ce n'est pas grave, nous ne le savons pas... Et
puis franchement c'est du fantasme : connaissez-vous quelqu'un qui a été
vraiment victime de cela ? Bon je sais, j'ai encore fait une erreur logique : si
quelqu'un est espionné à son insu, il ne le sait pas. Quant-à celui qui
espionne, pour l'instant, il ne s'en vante pas. Un conseil : ne laissez pas
trainer Le Monde 2, cela peut donner des idées, et ne laissez pas non
plus trainer votre téléphone portable.
Dans l'île de Jersey ont voit à tous les coins
de rue une affiche disant : "contribuez à arrêter le crime. Appelez le 0800... .
Votre appel est gratuit, vous n'avez pas à donner votre nom, vous pouvez
recevoir une prime. Unissons notre île contre le crime." C'est peut-être la
fameuse transparence anglo-saxonne ?
Projet de loi "Internet et
création" (Hadopi)
Bravo aux communicants inventeurs du nom de
cette loi. En fait de "création" la loi vise à surveiller et limiter les
échanges pour éviter le partage des fichiers, en particulier des œuvres
musicales. C'est la méthode proposée pour préserver les droits des auteurs dans
un contexte où l'œuvre est désormais dématérialisée, et où l'on peut en disposer
sans l'enlever à celui qui vous la donne. Cette méthode est vivement approuvée
par certains (assez peu), vivement contestée par d'autres.
Je vous cite quelques liens, si vous souhaitez
approfondir vos réflexions sur ce projet qui, partant d'un vrai problème (cf.
ci-dessus : "Gratuit ? Qui paie ?") crée au final
beaucoup plus de difficultés qu'il n'en résout, et instaure le principe d'un
contrôle du contenu des échanges électroniques.
Internet, la loi sur le piratage expliquée aux
nuls, 1/3
Internet, la loi sur le piratage expliquée aux
nuls 2/3
Comment va le fichage généralisé,
monsieur ?
Il se généralise sûrement,
monsieur, et, hélas, pas lentement
Extrait du communiqué IRIS LDH :
"Pour les deux associations, ces mesures [de
mise en place du passeport biométrique] poursuivent des finalités bien
plus larges que celles annoncées dans le décret contesté. Il s'agit en effet de
contraindre par avance le débat parlementaire sur le projet de carte d'identité
biométrique, alors qu'un tel projet met en cause une société dans laquelle
l'identité reste fondée sur un principe déclaratif, au profit d'une conception
de l'identité imprimée dans l'intimité biologique, comme l'avait déjà dénoncé
le collectif contre le projet INES de carte d'identité biométrique, collectif
dont IRIS et la LDH sont membres fondateurs."