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Lettre JM Bérard "Informatique et
société", N° 6, rythme de parution aléatoire
juillet
2008
jean-michel.berard chez orange.fr remplacer chez par @
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cas d'inexactitude, sont bienvenues.
Je rédige et envoie deux lettres. L'une est
décrite en objet par "[alerte]" l'autre par "[JM B] N° x Informatique et
société". Certains d'entre vous reçoivent les
deux, d'autres l'une ou l'autre seulement. Ceci est la lettre [JM B]
Informatique et société.
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Sommaire du
numéro
Banalisation du fichage généralisé
dans l'opinion
Le fichage d'Etat s'étend encore
plus vite qu'on ne le pense
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Banalisation du fichage généralisé dans
l'opinion
Je ne pense pas que cela résulte d'une
intention organisée, mais je trouve que beaucoup de romans et beaucoup de
feuilletons policiers TV américains ou français banalisent entièrement l'usage
légal ou illégal des croisements de fichiers pour savoir tout sur quelq'un, dans
les moindres détails de sa vie.
Il y a là me semble-t-il une mise en
condition insidieuse de l'opinion publique : dans ces romans ou feuilletons, ce
sont de "bons" policiers, calmes, posés, réfléchis, qui traquent des criminels
vraiment méchants. Heureusement que l'esprit Zorro de ces policiers dévoués leur
permet de s'affranchir des lois sur l'informatique et les libertés pour venir à
bout des méchants. Ce serait vraiment irresponsable de leur chercher noise sur
la façon dont ils ont procédé. D'autant plus qu'ils sont tellement sympathiques.
Le
livre Millénium connait un succès planétaire : les bons traquent les méchants
tapis dans les tréfonds de la société suédoise : anciens nazis, anciens membres
du KGB, tous plus ou moins pervers sexuels et auteurs de crimes divers,
économiques ou de sang.. L'étrange personnage de Lisbeth Salander (dont le roman
suggère qu'elle est sans doute atteinte d'une maladie mentale) est autodidacte,
et sait pénétrer et prendre le contrôle de tout ce qui fonctionne en réseau,
pour trouver des choses sur vous-même que vous ne connaissez même pas. Nul
besoin de savoir si en Suède ce qu'elle fait est légal : elle est folle,
attachante et travaille pour la bonne cause.
Catherine Fradier, dont les romans deviennent à la mode, met en scène le
milieu lyonnais : grande bourgeoisie, réseaux mafieux, opus dei... Bérangère,
encore une femme, elle aussi un peu asociale, travaille pour la DST et sait elle
aussi prendre le contrôle de tout ce qui fonctionne en réseau. Ce qu'elle fait
n'est pas légal au regard des lois Informatique et liberté, mais peut-être
est-ce autorisé pour la DST ? En tout cas, au péril de sa vie, elle met en échec
les méchants escrocs meurtriers liés à l'opus dei. Merci
Bérangère.
Même
chose pour certains feuilletons TV français (La crim' ou alors PJ, je ne sais
plus). Là, la cheffe est une femme, mais c'est un inspecteur homme, un peu
falot qui peut en une nuit, sans souci de légalité, trouver tout sur tout : "ce
sera difficile, chef, mais j'arriverai à casser les codes".
Quant
aux feuilletons américains (Les experts, cold case, porté disparu) j'ai du mal à
les critiquer car peut-être ce qu'ils font est légal là-bas. En tout cas c'est
impressionnant. Mais pas de crainte, ce sont de bons policiers plein de sens
moral.
Il
serait tout de même dommage, sous prétexte de défense archaïque des libertés,
d'enlever à nos bons policiers tous ces pouvoirs... (lol). En tout cas
c'est ce que pense la ministre de l'intérieur..
Le fichage d'Etat
s'étend encore plus vite qu'on ne le pense
Sources : diverses, et en particulier Le Monde du 25
juillet 2008 et le site rue89 du 24 juillet 2008
Des articles de plus en plus nombreux dans la presse
nationale ou les sites nationaux s'alarment de la mulitiplication des fichiers
nominatifs mis en place par l'Etat. Usuellement, tout cela se faisait dans la
plus totale indifférence de "l'opinion publique" : "je n'ai rien à me reprocher,
il est utile de rechercher les criminels". Depuis quelques temps, la presse
nationale commence à s'alarmer. Quant aux associations, Ligue des droits de
l'homme, Ligue de l'enseignement, CREIS, IRIS et beaucoup d'autres, elles sont
conduites, tant la création des fichiers va vite, à lancer de multiples
pétitions, recours, campagnes. Il semble vraiment que l'on entre dans une
société où, à tout hasard, on va ficher tout le monde. Comme cela, le jour où
quelqu'un commettra un délit, il sera déjà dans la machine. On se préoccupe peu
de toutes les atteintes à la vie privée et à la démocratie que cette conception
de la société engendre.
Le fichier qui en ce moment fait l'objet d'une pétition
largement signée (328 associations, syndicats et partis politiques, 46 000
personnes le 24 juillet), est le fichier Edvige.
Des services de police (DST e
t renseignements généraux)
devant fusionner, on doit les autoriser à créer un nouveau fichier. Entre autres
joyeusetés, Edvige permet aux services concernés de ficher dès l'âge de 13 ans
les personnes "susceptibles de porter atteinte à l'ordre public". On voit
d'emblée l'immense danger de ce fichier : quelle est la définition de
"susceptible de porter atteinte à l'ordre public", et dès 13 ans ? La notion est
tellement floue qu'elle peut concerner absolument n'importe qui. A l'époque des
nazis, les juifs, les homosexuels et les gitans portaient atteinte à l'ordre
public, du simple fait de leur qualité. En Italie en ce moment (dans l'union
européenne), les roms aussi, du simple fait d'être roms, portent atteinte à
l'ordre public. Le fait d'être végétarien, syndicaliste, altermondialiste,
communiste, d'habiter tel quartier, d'être immigré de la
septième génération porte-t-il atteinte à l'odre public ?
Durant la mobilisation contre edvige se préparent
discrètement des coups au moins aussi durs : selon Le Monde le ministre
de l'intérieur prépare une loi qui permettra d'espionner tous les échanges faits
à partir d'un ordinateur personnel désigné. La liste des souçons de délit qui
permettront cet espionnage est si vaste qu'elle pourra facilement concerner un
grand nombre de personnes. Bien sûr, les intéressés ne seront pas informés. En
Allemagne, la cour constitutionnelle a refusé une telle loi. On peut craindre
que notre conseil constitutionnel, pas très brillant dans sa décision sur le
fichage ADN, soit moins rigoureux que la cour allemande.
En préparation aussi, selon Le Monde, le fichier
Cristina, classé secret défense, contiendrait des données sur les personnes
fichées, leurs proches et leurs relations. Comme c'est secret défense, on ne
peut rien en savoir. Quant-au logiciel Ardoise, renseigné par la police et la
gendarmerie, il devait contenir des renseignements sur les orientations
sexuelles et syndicales des personnes fichées. Des policiers démocrates, en
stage de formation pour utiliser ce logiciel, ont alerté leurs syndicats. La
Ministre a dit qu'elle retirait ce projet, mais du coup on ne sait plus ce qu'il
est devenu.